Dans un marché difficile (l’édition en crise), des librairies qui se vident (la fréquentation baisse), et les incertitudes liées à l’époque, Dargaud s’est lançé dans l’édition de Comics en VF avec Urban Comics qui va publier le catalogue DC pour les années à venir.

La conséquence est immédiate, dès le mois de Février 2012, l’offre est gigantesque quand on cumule les sorties des tous les éditeurs confondus. Panini compense 100% des titres DC perdu par plus de Marvel et l’arrivée sous le label Fusion des titres Avatar Press, Dynamite et autres, et Urban lance sa collection.

La question qui va se poser est celle du choix. A périmètre constant, le marché du comics est une niche et ses lecteurs, bien que trentenaires et consommateurs, n’ont pas un porte-monnaie elastique. Quand on regarde les sorties de cette semaine chez Panini et celles d’Urban la semaine prochaine, il est pas difficile de trouver 10 titres interessants, soit plus de 200€ de budget. Or je ne connais personne qui dépense 200€ de comics en 8 jours, ou alors s’il le fait, c’est pas toutes les semaines. Donc il va falloir choisir, et dans cette nouvelle guerre, il y aura forcement des victimes.

Urban fait bouger les lignes en proposant de très beaux albums sur des personnages forts. L’arrivée de Batman, Justice League, Green Lantern et Wonder Woman en albums va forcement interesser beaucoup de monde, moi le premier (des choses que j’aurais acheté en VO d’habitude et que je vais prendre chez Urban). Les lecteurs de comics tradi vont acheter du Batman, du Justice League, tout comme ils achetent Spider-Man et Avengers de nos jours.

Je pense que Panini va continuer à vendre autant de Spider-Man, X-Men, Avengers, car les lecteurs de comics sont fidèles. Mais ils vont acheter aussi du Batman. Qui risque le plus dans cette affaire ? Les petits, comme d’habitude. Et quand je parle de petits, je ne parle pas que d’éditeurs indépendants qui se battent pour faire vivre leurs titres, je parle des petites séries, plus fragiles, qu’on achète aujourd’hui volontier car elles ont une belle place en rayon. Demain ces titres fragiles resteront-ils aussi longtemps dans les nouveautés ? Quid des titres Fusion, Avatar, Milady ? Quid des titres Vertigo, des intégrales, des rééditions ? Quid des séries qui ne sont pas des grosses licences, qui n’existent pas au cinéma ? Quid des 3ème ou 4ème série X-Men parfois dispensables, quand l’essentiel est dans Uncanny X-Men et Wolverine & the X-Men ?

Un élément à prendre en condidération aussi, c’est qu’il risque aussi d’y avoir un vote sanction. Ceux qui ont voté Sarkozy en 2007 et qui n’en peuvent plus vont voter ailleurs en 2012. Avec Panini le sentiment est le même : certains n’en peuvent plus (à tort ou à raison). Par principe, certains vont tenter l’experience Urban au dépend des titres Panini dispensables.

Enfin, quid de l’acte d’achat additionel. On a tous acheté un comics « par défaut », car on était en librairie, et que le choix n’était pas glamour. Un cadeau à faire, un voyage en train, et on se retrouve avec un Marvel Monster de piètre qualité. Avec l’arrivée d’Urban, quand l’offre est moche chez Panini, il reste les valeurs sûres comme Batman ou Justice League.

Urban va jouer placé et arrive avec des titres tout frais, revus par DC à l’occasion du New 52. Ils ont le savoir-faire, et un marché qui les attend avec les bras ouverts. Tout devient possible.

Bien entendu, nous disons celà en prenant le marché tel qu’il est avec ses quelques milliers de lecteurs. Un nouvel âge d’or des comics en France pourrait faire naitre des vocations et des nouveaux lecteurs. Reste donc à savoir si Urban réussira ce que Panini n’a jamais réussi à faire : capitaliser sur la sortie des films comme Batman : The Dark Knight Rises pour vendre mieux et gagner des lecteurs, ou toucher des lecteurs de BD tradi qui visitent leur boutique de quartier et qui demain, pouraient être tentés par cette nouvelle experiene.. La machine Dargaud est en marche et nous pourrions avoir des surprises.